"On est une équipe de beaux gosses"

PORTRAIT DE LA SEMAINE Moins d'une semaine après la défaite du Lausanne-Sport contre Servette dans le derby lémanique, Abdul Carrupt revient sur ce revers des siens. Il aborde également sa première sélection en équipe nationale de Guinée-Bissau, évoque ses aspirations et livre quelques secrets du vestiaire lausannois. Interview.

Pour Abdul Carrupt, les événements se sont accélérés ces dernières semaines. Souvent relégué sur le banc  des remplaçants depuis le début du deuxième tour, le Valaisan a fait un retour fracassant sur le devant de la scène. Un come-back en trois temps orchestré de main de maître: une sélection en équipe nationale et un retour au pays (un premier passage en fait, Abdul n'y était jamais allé auparavant) revigorant, une entrée ponctuée d'un but et un assist pour Roux il y a 10 jours et une titularisation contre Servette le week-end dernier. L'occasion idéale de faire un pointage parfois décalé avec l'attaquant lausannois alors que son contrat arrive a expiration en juin prochain.

Abdul Carrupt, que regard portez-vous sur le derby lémanique de samedi? Qu'est-ce qui a manqué au LS (au delà de Silvio!)?

Il nous a manqué surement de l'agressivité. On a été battu sur ce terrain et dans un derby ça ne pardonne pas. Ensuite c'est vrai que Silvio a peut être manqué, mais on a tout simplement pas été à la hauteur collectivement, on a manqué de spontanéité au milieu et devant et on a eu trop de déchet technique (moi le premier!) pour espérer les mettre en danger.

Cette défaite marque-t-elle la fin des ambitions de promotion du LS?

Sincèrement je pense que non! On sait que l'on est capable de battre n'importe quelle équipe dans ce championnat quand nous jouons à notre niveau. Et il reste 8 matches, ce qui fait beaucoup de points en jeu... Maintenant, il est vrai que c'est une défaite qui fait plus mal que les précédents points perdus parce que la fin approche et que, devant,Vaduz et Lugano sont solides. Mais j'ai du mal à croire qu'ils feront un sans faute jusqu'à la fin et il ne faut pas oublier que l'on doit les accueillir encore... On vendra cher notre peau!

Départ de Celestini avant Noël, arrivée médiatique puis décevante de l'escroc itinérant Moussilou: la trêve hivernale du LS a été agitée. Y a-t-il un lien de cause à effet entre cette période et les résultats "en dent de scie" du LS ce printemps?

Ce serait mentir que de dire que l'on a pas été perturbés par ce qui s'est passé dans les premières semaines de l'année. Le départ de Fabio nous a fait du mal, autant dans les têtes que sur le terrain et plus particulièrement dans le jeu. On a perdu un capitaine, un mec super dans le vestiaire et un gagnant sur terrain. Après, on ne peut pas réduire notre premier tour à Fabio Celestini, car il a été le premier surpris du niveau que l'équipe a atteint. Ensuite, on ne peut pas qualifier Matt d'escroc. Il n'avait pas joué depuis plusieurs mois et commençait à nous apporter ses qualités quand il s'est blessé il y a 3 semaines. C'est malheureux, aussi bien pour lui que pour nous. Finalement, il ne faut pas oublier qu'après le premier tour que l'on a accompli, les équipes que nous affrontons ne se comportent plus de la même manière. On est vraiment l'équipe à battre, encore plus peut être que les deux équipes de têtes, surement à cause de notre parcours en coupe d'Europe qui rend une victoire contre le LS encore plus prestigieuse.

A titre personnel, ce match contre Servette était synonyme de retour à un poste de titulaire, une satisfaction j'imagine? Quel regard portez-vous sur votre performance?

Une satisfaction oui, mais surtout le fruit de beaucoup de travail à l'entrainement pour retrouver la confiance du coach... Ma performance, je la juge plutôt très moyenne. Je n'ai pas apporté suffisamment de percussion et de danger devant, ce qui est ma qualité. J'ai également connu beaucoup de déchet dans mes prises de balles. Mais je n'aime pas trop parler des analyses que je fais de mes performances, je les garde pour moi en général (rires)!

Une sélection en équipe nationale, un but et une entrée remarquée il y a une dizaine de jours et une titularisation ce week-end: les choses se sont accélérées pour vous ces derniers jours. Comment l'expliquez-vous? Et surtout, comment avez-vous vécu cette "traversée du désert", allusion à un début de deuxième tour sans véritablement jouer?

Comme je l'ai dit, je travaille énormément toute la semaine pour être prêt quand le coach fait appel à moi. Pour ma "traversée du désert", ça n'a pas été simple tous les jours, mais le club a recruté de nouveau joueurs que le coach a voulu faire jouer à ma place, c'est son choix, je ne le discute pas, c'est lui le boss. La seule chose à faire c'est de continuer à donner le maximum sans se poser 36 mille questions... On fait du foot, finalement il y a des millions de choses plus graves que de ne pas avoir beaucoup de temps de jeu durant une certaine période...

Le LS vous avait, parait-il, proposé de rejoindre Yverdon cet hiver. Info ou intox?

Demi-Info.... Yverdon cherchait des renforts pour leur deuxième tour et ils se sont renseignés auprès des dirigeants du LS sur ma disponibilité étant donné que j'avais eu un temps de jeu moyen au premier tour. J'en ai parlé avec eux en leur disant que je n'avais aucune intention de quitter le LS. Apparemment, le coach ne comptait pas me laisser partir non plus alors ils l'ont répété au YS et le chapitre s'est clôt à ce moment là.

A titre personnel, vous serez en fin de contrat en fin de saison. Comment voyez-vous votre avenir? Avez-vous déjà discuté d'une prolongation de contrat avec les dirigeants du LS ou pensez-vous plutôt  vous exiler? Si la deuxième option était privilégiée, avez-vous déjà des pistes?

Question délicate.... Je suis en effet en fin de contrat en juin et n'ai eu encore aucune discussion concernant une éventuelle prolongation.... Pour le reste c'est "silenzio stampa" (rires)!

Revenons brièvement sur votre sélection en équipe nationale. Qu'est-ce que cela signifiait pour vous? Quels ont été, à vos yeux, les moments les plus marquants de ce séjour? Quelques anecdotes explicites?

Ç'a été le plus grand moment de ma vie de footballeur et parmi les plus grand de ma vie d'homme! Cela signifie énormément, étant donné que mes deux parents viennent de Guinée-Bissau. Je n'y avait jamais mis les pieds comme je suis né au Portugal et que, à cause des différentes guerres qui sévissaient dans le pays, j'hésitais à y aller.

Les moments les plus marquants ont été, d'abord, l'arrivée à Bissau (capitale) où des milliers de personnes nous attendaient à l'aéroport, ensuite le premier entrainement. Il y avait des gens PARTOUT! De tous âges, ils étaient là pour soutenir leur équipe nationale, c'était énorme. Finalement il y a eu mon entrée en jeu avec le maillot de mon pays d'origine devant le peuple de Guinée, je vous laisse imaginer les sensations...

Des anecdotes, j'en ai des dizaines! Je peux parler de la visite du premier ministre, en plein entrainement, qui est venu taper quelques ballons, en passant par les dirigeants qui viennent chercher cinq joueurs (dont moi) sur le terrain pendant le 5 contre 2 pour les emmener faire les photos passeport la veille du match - pour le coup, on a quand même attendu la fin de l'entrainement avant d'y aller - ou encore le départ de l'hôtel pour l'aéroport à 10h25 pour prendre l'avion de...11h! Bref, j'en ai d'autres, mais ça me prendrait trop de temps. L'Afrique c'est magique (sourire)...

Plus globalement, et pas forcément en lien avec le foot, dans 10 ans, où vous voyez-vous? à faire quoi? et avec qui?

Question beaucoup trop difficile! Peut être en père de famille avec un job à la BCV de Sion à prendre des apéros à la place du midi avec tout un tas de "fombs" (comprenne qui pourra) que je ne vais pas citer (rires)!

Votre coéquipier Guillaume Katz connait un succès considérable avec la gente féminine.  Au-delà d'être la fierté locale du peuple vaudois, serait-il aussi le beau gosse du LS?! Si non, qui sont les "playboys" de la Pontaise?

C'est vrai que Katz fait peut-être partie des beaux gosses du vestiaire. Mais je pense ne choquer personne en disant que le titre de PLUS beau gosse devrait revenir à... Carrupt (gros rires)! Sinon, il ne faut pas oublier celui que je surnomme "El Guapo", je veux parler d'Anthony Favre dont la réputation à Lausanne n'est plus à faire (je balance pas mal là!)... Il y aussi Méoli et les deux brésiliens Tosi et Silvio qui plaisent aux femmes et le Zurichois Avanzini.... Oh et puis la liste est longue, on est une équipe de beaux gosses en fait!

Et côté vestiaire, qui sont les leaders, les patrons dont la parole est écoutée? Et les "fouteurs de m****", les Ribery vaudois? 

Naturellement, il y a Méoli qui est capitaine et que l'on écoute. Ensuite Marraz (Nicolas Marazzi) est un vrai leader technique sur le terrain qui ne parle pas beaucoup mais qui est écouté quand il prend la parole. Sinon, on a un baromètre en la personne de Favre qui ne parle pas beaucoup mais qui peut péter les plomb de temps en temps. Quand c'est le cas, on sait que ça va moins bien dans l'équipe... Pour les "Ribéry", il n'y en a pas vraiment, mais il y a des animateurs par contre: Je suis le DJ du vestiaire, Bigambo (Rochat) c'est plutôt le "stand up", il aime bien imiter les membre du staff avec plus ou moins de réussite, Tosi c'est le fantôme parce qu'à peine l'entrainement fini il est déjà douché et parti, au contraire de Sonnerat qui est locataire de la Pontaise: il est toujours au vestiaire (rires)!

S'il fallait décrire l'ambiance au sein du vestiaire lausannois en trois mots...

Musicale, Amicale et Internationale. Ca parle pas mal de langues et je suis un peu le traducteur... 

Les nouveaux venus ont-ils le droit à un bizutage?

Non, pas de bizutage. Par contre, ils doivent chacun amener une agape après un entrainement pour marquer leur arrivée. On fait pareil pour les anniversaires: celui qui  fête fait venir des pizzas au vestiaire dans la semaine.

On ne peut l'éviter, un petit mot s'impose sur votre nouvelle coupe de cheveux. Transition j'imagine?! Quel est l'objectif final? Pluôt Drogba décoiffé ou Malouda natté?

Non, ce n'est pas une transition, juste l'envie de changer de tête. Tout est parti d'un pari avec moi-même au mois d'octobre où je me suis dis que je ne couperais plus mes cheveux tant que je ne marquais pas... C'était pas gagné à cette époque (rires) ! Finalement, je l'ai fait un mois après, à Moscou et, comme il commençait à faire froid, je n'ai pas coupé. Sans m'en rendre compte, je me suis retrouvé avec tous ces cheveux (rires)! Il n'y a pas d'objectif particulier, quand j'en aurai marre je reviendrai à ma bonne vieille coupe courte.